Temps de l’Epiphanie
4ème Dimanche après l’Epiphanie
Saint Jean 4 / 5 – 26
Homélie de Son Excellence Mgr. Selim Sfeir
Archevêque Maronite de Chypre
L’eau vive
Chers frères et soeurs en Christ,
Jésus, fatigué par sa marche dans le désert, et au mi-temps du jour, il dit à cette femme qu’il rencontre au puits de Jacob : «Donne-moi à boire». Admirons la manière dont le Seigneur s'adresse à elle. . Celui qui donne en abondance s'abaisse jusqu'à dépendre de cette femme en lui demandant de l'eau pour apaiser sa soif. Quelle surprise pour elle d'entendre Jésus, qu'elle reconnaissait pour un Juif, lui demander à boire !
Pour cette femme de Samarie, le dialogue qui s’engage avec Jésus prend en quelques instants un tour étonnant. Alors que c’est lui qui vient de lui demander à boire, il lui offre une eau vive qui apaise toute soif, si bien que c’est elle qui lui demande, maintenant : «Seigneur, donne-la moi, cette eau». Mais au lieu de lui répondre, il la conduit à lui confier les deux drames de sa vie. D’abord, sa faillite conjugale : «je n’ai pas de mari». Puis sa détresse religieuse : elle ne sait pas où adorer Dieu ; les écoles s’opposent : sur la montagne ou à Jérusalem. Ce rapide dialogue avec Jésus a mis en lumière les deux obstacles principaux qui sont en cette femme, et qui l’empêchent de rejoindre Dieu. Jésus l’a conduite, sans la juger, à reconnaître humblement les deux impasses de sa vie, les deux soifs perpétuellement insatisfaites qui rendent sa vie malheureuse.
Et c’est précisément là que Jésus intervient. Il vient à notre rencontre, et nous conduit à lui confesser notre soif, notre soif d’aimer, toujours insatisfaite parce qu’aucun humain ne peut guérir la blessure originelle, hormis Dieu lui-même. L’eau vive que Jésus promet à la Samaritaine, qu’il nous promet, c’est l’Esprit Saint qui s’écoulera de son coeur transpercé sur la Croix, l’amour divin qui seul peut étancher notre soif, soif d’aimer Dieu, et soif d’aimer les hommes. Voilà le sens de notre vie: remettre à Dieu nos incapacités, lui offrir nos coeurs brisés et humiliés, lui crier notre soif. Et cela ne va pas sans effort, car nous cherchons par tous les moyens à combler les brèches de nos coeurs, et empêchons ainsi l’eau vive d’y pénétrer. Notre monde excelle à nous offrir mille échappatoires qui nous font fuir notre misère, mille boissons vinaigrées qui ne peuvent étancher la soif qui nous étreint. S’il est un effort véritable, c’est celui qui nous fait confesser à Dieu notre misère, notre soif, et qui nous fait implorer son secours.
Alors, la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, la rencontre de Jésus avec chacun de nous prend tout son sens. C’est l’échange de deux soifs. La Samaritaine a soif de pouvoir aimer et adorer, Jésus a soif de pouvoir communiquer son amour. C’est le sens de sa soif au puits de Jacob, c’est le sens de son cri de soif au Golgotha. En révélant sa soif à la Samaritaine, Jésus lui a révélé la sienne ; en l’étanchant, il lui montre comment étancher celle qui l’habite. Il ne manque à Dieu que ce qui ne peut venir que de nous : que nous accueillions l’amour qu’il désire nous communiquer.
La femme a trouvé la réponse aux besoins profonds de son âme et maintenant, elle désire rendre témoignage autour d'elle de ce qu'elle a trouvé en Jésus. Elle s'adresse à ceux de sa propre ville, là où sa vie de péché était connue. Elle peut dire maintenant : « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; celui-ci n'est-il point le Christ ? ». Elle a cru ce que le Seigneur Jésus lui disait, et elle le confesse de sa bouche devant les hommes. Voilà le signe d'une vraie conversion !
Prière
Seigneur, nous avons soif. Donne-nous à boire de ton eau pour recevoir ton Amour et le porter vers tous ceux que nous rencontrons
† Selim Sfeir
Archevêque Maronite de Chypre