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Archbishop’s Teaching

Temps du Grand Carême 4ème dimanche du Carême (Luc 15, 11-32)

Homélie de Son Excellence Mgr. Selim Sfeir
Archevêque Maronite de Chypre

Le Fils Prodigue
Luc 15, 11-32

Chers frères et sœurs en Christ,

Il n'y a pas de retour sans départ, pas de repentir sauf après la
désobéissance, et pas de compréhension du sens de l'amour sauf après
l'éloignement.
Nous nous tenons devant l'un des plus beaux passages de l'Évangile, la
parabole du fils prodigue, et en cela se révèlent devant nous des vérités
importantes sur les significations du jeûne et son effet sur l'âme humaine,
particulièrement en ce temps béni.
Ce fils est né et a été élevé dans le jardin luxuriant de son père, grandissant
dans son sein, jouissant de tout ce que cet environnement nourricier
pouvait lui offrir en termes de fruits et de bienfaits, mais il ne connaissait
pas le sens de l'amour paternel, et n'avait pas goûté au retour après
l'éloignement.
L'idée de régner sur sa propre vie l'a séduit, alors il a décidé de s'aventurer
dans les méandres de la vie avec ses biens et ses maux. Il a pris ce qui lui
appartenait et a quitté le jardin de son père pour des contrées lointaines,
où il a dissipé l'héritage de son père, passant de la vie dans l'abondance à
la connaissance de la vie dans ses aspects les plus sombres.
Là, dans le désert du monde attristé, il a eu faim, voire a souffert de la
famine, et a commencé à comprendre la splendeur de la vie dans la maison
de son père.
Là, il a été contraint de travailler comme un esclave, abaissant son niveau
jusqu'à celui des porcs qui se vautrent dans la saleté. Celui dont la
bénédiction du père débordait de sa table, a désiré la nourriture de ces
créatures impures. Il a perdu ses vêtements et ses chaussures, perdant ainsi
sa protection contre les éléments de la vie, il a vendu son anneau, perdant
ainsi son identité.
C'est alors que commence le voyage de retour vers la maison du père,
quand il a épuisé toutes les ressources de son orgueil, il est revenu à lui-
même, à l'image de Dieu au plus profond de son être, d'où il était sorti
lorsqu'il avait quitté la maison du père.
Nous lisons cette parabole, et nous voyons devant nous l'image de
l'homme dans le voyage de la vie. L'image de chacun de nous sortant du
refuge de la sécurité paternelle, pour devenir nu et sans défense, avec le
péché rongeant notre vie vide. Tout au long de notre vie, nous cherchons
à dominer nos propres vies, à puiser dans nos ressources pour les plaisirs
de la vie, pour ensuite réaliser que le sein de Dieu, dans sa simplicité, est
plus riche que tout ce que le monde pauvre peut nous offrir.
Peut-être voyons-nous dans cette parabole Adam qui a vécu et joui du sein
paternel de Dieu dans le jardin d'Éden, sans comprendre le sens de la
communion avec Dieu. L'idée de devenir semblable à Dieu l'a séduit,
maître de lui-même. Il a quitté le jardin de la protection paternelle et s'est
égaré dans le désert du monde à la recherche de la liberté qu'il avait
perdue.
Oui, nous sommes les fils déchus d'Adam, sortis du jardin de Dieu à cause
de notre péché, pour vivre dans la désobéissance afin d’acquérir le sens
du retour à soi-même.
Peut-être qu'après cette douloureuse sortie, nous reviendrons à nous-
mêmes, pour retourner à la maison du Père céleste, peut-être réaliserons-
nous à cause de nos péchés la profondeur de la grâce de Dieu, c'est
pourquoi Paul l'apôtre dit: "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé."
(Romains 5:20).
Peut-être apprendrons-nous pendant ce jeûne à abandonner les tentations
de la vie matérielle, à nous dépouiller de toutes les ressources de notre
orgueil, pour nous humilier devant Dieu et revenir pour comprendre que
le monde ne nous offre que des illusions éphémères.
Faisons de notre jeûne d'aujourd'hui une sortie, non pas de la protection
de Dieu, ni du jardin de la communion avec Lui, mais une sortie du monde
du péché qui a attiré nos désirs et nos impulsions, pour faire de notre jeûne
une sortie vers nous-mêmes, vers l'image de Dieu dans laquelle nous
avons été créés, et que notre jeûne et notre austérité soient un
dépouillement de notre égoïsme pour que nous puissions regarder au-delà
du moi en nous et jouir de la communion d'amour avec les autres. Le jeûne
qui nous dépouille des apparences du luxe nous met à nu devant notre
véritable état, comme le fils prodigue qui n'a réalisé la distance qu'après
s'être dépouillé. Retournons à la maison du Père comme il l'a fait, et que
notre jeûne nous enseigne la valeur de la vie dans la communion avec
Dieu.
Si la sortie du fils prodigue était un jeûne qui le dépouillait des rêves de
péché et se terminait par le sacrifice du veau gras, alors notre jeûne, qui
purifie nos âmes, se termine par le grand sacrifice sur la Croix, la raison
du pardon de nos péchés et de la joie pour le cœur de Dieu. La raison du
pardon, car "sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon!" (Hébreux 9:22), et
la joie pour le cœur de Dieu, car Ésaïe dit : "Il a plu à l`Éternel de le briser
par la souffrance... Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il
verra une postérité et prolongera ses jours; Et l`œuvre de l`Éternel
prospérera entre ses mains." (Ésaïe 53:10).

† Selim Sfeir
Archevêque Maronite de Chypre

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